Taedium Vitae

Taedium Vitae

mardi 14 juillet 2015

Jean Rostand



Ainsi ai-je terminé ce livre d'aphorismes de Jean Rostand, Pensées d'un biologiste, commencé déjà depuis un bon moment et dont je ne savourerais la sève qu'à petites doses, comme livre de chevet avant de me coucher. Quelques extraits de cet homme de science qui avait tout aussi bien les qualités d'un grand moraliste comme Pascal ou Chamfort :


« L'homme peut se flatter d'être ce qui se fait de mieux dans l'atelier de l'inconnu.

C'est l'inerte qui l'emporte dans l'univers, et non le vivant. Mourir, c'est passer du côté du plus fort.

Comment réussir à prendre tout à fait au sérieux tout cela dont le sérieux ne dépend que de nous?

L'homme étouffe dans l'homme.

La seule chose dont je sois vraiment sûr, c'est que nous sommes de la même étoffe que les autres bêtes ; et si nous avons une âme immortelle, il faut qu'il y en ait une aussi dan les infusoires qui habitent le rectum des grenouilles.

Rien, c'est trop peu ; Dieu, ce serait trop.

L'homme est entrainé par son esprit à des souffrances qui sont bien au-dessus de sa condition.

Je ne crois pas au mystère, ce serait trop simple.

La vérité morte dès sa naissance, - comme tout ce qui vit.

On s'admire quelquefois par surprise dans un autre.

L'homme a devant l'univers toutes les exigences du fils unique.

La seule chose qu'on ne peut embellir sans qu'elle en périsse, c'est la vérité.

J'aurais le goût d'un style où l'on ne sentît ni la décision d'écrire ni le parti pris de ne pas écrire ; et ce que j'aime dans les réflexions détachées, c'est qu'elles peuvent ne relever d'aucun style.

J'aime trouver dans un livre de notes l'unité d'un esprit et le désordre d'un cerveau.

Dès que les pensées sont ordonnées, elles prennent l'air d'être moins sincères.

J'eusse aimé être de ceux qui, avec de toutes petites phrase, dégoûtent des longs développements.

Si nous donnons tant de prix à certaines évidences, c'est pour les avoir durement conquises.

Un grand écrivain est un homme qui sait nous surprendre en nous disant ce que nous savions depuis toujours.

Savoir la précarité de toute gloire humaine n'éteint pas chez l'ambitieux la soif de primer : il veut sa place parmi ceux qui font éclater le crime du néant.

La souffrance est certainement ce qui va le plus loin, mais vers où?

Sans mes souffrances, je ne me reconnaîtrais pas.

Sachons gré au tracas de la vie, ils nous divertissent de son horreur.

Il n'y a pas de bonheur intelligent.

Le plus affreux des coupables n'est pas moins innocent que l'univers.

La seule liberté que nous concède la vie, c'est de choisir nos remords.

Je ne m'intéresse, socialement, qu'à la valeur de quelques-uns et à la souffrance de tous.

Pour rester fidèle à soi-même, il faudrait renier son parti trois fois par jours.

L'éternel refrain de l'humanité : encore un petit massacre, et tout ira pour le mieux...

L'imagination a ses limites, c'est la réalité qui est inépuisable : on n'en a jamais fini avec un souvenir.

La vie, peu à peu, nous déloge de partout. »

2 commentaires:

  1. C'est grand plaisir que de retrouver un des livres de chevet de feue chèvre Natalie chez vous, cher Kevin.

    L'Orée vous salue, toutes oreilles dressées.

    Bien cordialement.

    delorée

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  2. Cher Marquis, c'est plaisir partagé que de vous retrouver ici, sachant, par votre blogue, la délicatesse de votre esprit.

    Salutations cordiales

    KL

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